L'AMITIÉ, C'EST SACRÉ ! - 2023
« Et j’essayai de me souvenir d’un cas, un seul, où dans le cours de mes lectures deux femmes auraient été représentées comme amies. »
Une chambre à soi de Virginia Woolf, Folio classique, p.130
« L’amitié c’est sacré ! » s’intéresse aux amitiés entre filles à l’adolescence. J’y ai photographié deux groupes de copines, de douze et quatorze ans, à l’été 2023, à Périgny-sur-Yerres, le village où j’ai grandi. C’est là que j’ai moi-même rencontré mes meilleures amies il y a vingt-cinq ans et où nous avons passé notre adolescence.
Cette période qui peut s’apparenter à un tsunami, où l’on n’est plus vraiment des enfants mais pas encore des adultes, est le moment où l’on commence à se confronter au monde réel, hors du cocon familial. Et quand ce même cocon devient hostile, quand la relation aux parents se dégrade, les amitiés sont alors un refuge, un lieu d’expérimentations, de secrets, de découverte de soi et de son rapport aux autres.
Mais les amitiés entre femmes sont bien souvent dévalorisées et inivisibilisées. C’est ce que réalise Virginia Wolf dans son œuvre « Une chambre à soi », où elle pointe du doigt la quasi-absence des amitiés féminines dans la littérature. Que ce soit dans les livres, les films ou la musique, les femmes sont bien souvent montrées comme rivales. Avec cette série, je souhaite revaloriser ces amitiés féminines. À travers une esthétique brumeuse et colorée, en montrer une image fantasmée, celle du souvenir que j’en garde : les rires, la joie, les moments de complicité et de partage.
Le décor est celui de ma propre adolescence, et les époques se mélangent. Les photos d’adolescentes d’aujourd’hui ressemblent à celles de mes amies et moi-même, il y a vingt ans. En plus des photos prises en numériques, j’ai capturé ces moments d’intimité avec des moyens plus anciens : un polaroid, un argentique et un appareil photo jetable. Les technologies et les visages changent, mais les souvenirs restent les mêmes, intemporels. Je n’ai choisi que des décors extérieurs pour évoquer la place des femmes dans les espaces publics. Alors qu’une fois adultes, nous sommes souvent cantonnées aux intérieurs, l’adolescence est un moment privilégié, où les jeunes filles n’hésitent pas à s’approprier le dehors et à se déplacer en meute. La rue devient alors un lieu de jeu, un lieu où les amitiés naissent, se construisent et s’émancipent.
REMERCIEMENTS J’aimerais remercier toutes les personnes qui m’ont soutenues et permises de réaliser ce projet : Laure Bouvet, Marie Valat, Bénédicte Bourdillat, Jeanne Mestelan, Anaïs Magrini, Mélanie Coelho, Antoine Boissonot, Marina Bourdais, Louis Ronsin, Jérémy Bernard, Guillaume Desjardins, Lucie Sassiat, Caroline Abitbol et l’UPP, Gabriela Larrea, Carole Gressier, Maxime Antony, mes super modèles Emma, Maëlya, Margot, Valentine, Lou, Lee et Aurore, ainsi que leurs parents, et enfin mes amies d’enfance Séverine, Mélissa, Charlotte et Isadora !